Diarra Adiaratou, victime de l'esclavage par ascendance, lutte courageusement contre ce fléau

Lutte contre l'esclavage par ascendance

Bravoure et résilience : Le long combat de Diarra Adiaratou contre l'esclavage

Diarra Adiaratou Kamisssoko, mère courage de cinq enfants, dont quatre garçons et une fille, porte sur ses épaules le lourd fardeau de l’esclavage par ascendance. En mai 2021, elle a bravement quitté le village de Bagamadougou, dans la commune de Madiga Sacko où elle vivait avec son mari, aux côtés d’une centaine d’autres victimes de cette pratique séculaire. Leur destin les a conduits jusqu’à la Cité des enfants de Bamako, où Diarra Adiaratou partage aujourd’hui son histoire poignante. Plongée au cœur de son récit à travers cette interview exclusive.

9 juillet 2024

Diarra Adiaratou, victime de l'esclavage par ascendance, lutte courageusement contre ce fléau © OIT
Diarra Adiaratou, victime de l'esclavage par ascendance, lutte courageusement contre ce fléau. © OIT-Mali
Diarra Adiaratou, victime de l'esclavage par ascendance, lutte courageusement contre ce fléau.

OIT: Présentez-vous!

Diarra Adiaratou Kamisssoko : Je suis Diarra Adiaratou Kamisssoko née à Ségou dans le centre du Mali où j’ai grandi. Là-bas, je ne connaissais pas l’esclavage par ascendance. C’est lorsque nous sommes arrivés à Bagamadougou, que je découvre les facettes de cette pratique dont j’ai entendu parler dans plusieurs régions du Mali avec différentes manifestations. Si vous me demandez de parler de mes souffrances vécues en lien avec l’esclavage par ascendance, je vais passer toute la journée à pleurer.

OIT : Nous n’allons pas vous faire pleurer, mais parlez-nous de votre quotidien

D.A.K : Mon mari a été chassé du village parce qu’il refusait le statut d’esclave qu’on lui a infligé depuis 2020. Je suis restée avec d’autres femmes à la maison. Les maitres ont interdit aux femmes d’aller recueillir de l’eau dans les puits. Nous ne sommes pas non plus autorisés avec nos enfants, d’aller à la boutique. Ni les filles ni les enfants, n’ont pas le droit d’aller à l’école ni encore moins de fréquenter le centre de santé du village. Je n’avais pas le droit de cultiver mon champ. Comment une femme peut vivre sans cultiver en milieu rural ? Moi et mes enfants, n’avions aucun droit.

OIT : Compreniez-vous ce qui vous arrivait ?

D.A.K : Non pas du tout. Mais un vendredi soir en plein mois de ramadan, une femme partie au centre du village à la recherche du réseau téléphonique, a été sommée de retourner chez elle à la maison. De façon officielle, j’ai été informée de ce que je suis esclave. Avec ce statut, je n’avais pas de droit mais plutôt que des devoirs, servir mes maitres. Pendant trois jours, j’étais confinée à l’intérieur de la maison avec mes enfants… Le lundi matin, ils sont venus nous menacer, nous intimant l’ordre de quitter le village. En cas de refus, ce sera à mes risques et péril. Entre 11 heures et 12 heures, j’ai ramassé toutes nos affaires pour quitter le village.

OIT : Comment aviez-vous accueilli cette décision ?

D.A.K : Jusqu’à ces jours chauds, j’avais toujours réalisé que l’esclavage était un lointain souvenir au Mali. Quand la violence s’est approchée de moi, j’ai su que cette pratique n’était pas faite seulement aux autres au Mali. Alors, pour moi, point question d’abandonner mon époux, qui avant moi, avait quitté le village parce que refusant le statut d’esclave.

J’aime mon mari. S’il monte sur une colline, je vais monter avec lui. S’il descend dans l’eau, je vais y descendre avec lui.

Diarra Adiaratou racontant son histoire aux médias pour booster la lutte contre l'esclavage par ascendance © OIT-Mali
Diarra Adiaratou racontant son histoire aux médias pour booster la lutte contre l'esclavage par ascendance

OIT : Pendant ces moments difficiles, de quoi viviez-vous ?

D.A.K : Vous me donnez l’occasion de saluer les appuis des autorités et d’autres partenaires en termes de don de vivres et de non vivre, d’accès aux soins de santé. L’Organisation internationale du Travail (OIT) à travers le Projet DRL nous a également beaucoup assisté.

OIT : Que pensez-vous de l’esclavage par ascendance ?

D.A.K : C’est une pratique abjecte, dépassée, instaurant des inégalités dans la société. Je ne veux plus faire l’objet de stigmatisation à cause de ce fardeau de l’esclavage. Pour moi, tous les Hommes sont égaux en droit. Personne n’est l’esclave de personne. J’appelle à combattre la pratique de l’esclavage partout au Mali et dans le monde.

OIT : Que souhaiteriez-vous dire à la société, aux autorités et à la communauté internationale sur ce sujet

D.A.K : Mon désir est de retourner avec les miens au village de Bagamadougou. J’implore le Président de la Transition et son gouvernement à oeuvrer pour permettre aux déplacés de Bagamadougou de rejoindre leur village. Je plaide pour un retour sécurisé des déplacés en lien avec l’esclavage par ascendance dans la paix, la concorde, la joie, et le respect. Je rejette toute idée de vengeance. Je suis partisane de la paix militant pour la fin de l’esclavage par ascendance.

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